castration des criminels sexuels
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Crime sexuel et castration chimique

Goya
En 2009, la « castration chimique » est-elle une panacée pour combattre la récidive du criminel sexuel ?

Si le passage à l'acte naît d'un désir coupable, la société n'a-t-elle pas le droit - et le devoir - de protéger les victimes potentielles en supprimant le risque du crime ?

La question est depuis quelques années régulièrement abordée dans les médias. Elle est toujours posée en association à un fait divers tragique, sous le coup la forte émotion collective suscitée par la condamnation morale de l'acte commis. La réponse, pourtant, n'est pas simple et le débat public tourne court, faute d'informations fiables pour l'alimenter.

S'agissant d'un traitement administré par les médecins, il convient pour le moins d'entendre leur voix. Certains se sont exprimés publiquement. Seront-ils entendus ?

Vous trouverez ici reproduite - avec son aimable autorisation - une mise au point rédigée par le docteur Michel David, président de la société caribéenne de psychiatrique légale, psychiatre des Hôpitaux et chef de service du Pôle de Psychiatrie légale (Service médico-psychologique régional Centre pénitentiaire - Fond Sarrail - BP 43 - 97122 Baie-Mahault) :

« La délinquance sexuelle est un sujet trop grave pour en parler sur un ton polémique. Vous trouverez en pièce jointe un communiqué de SOCAPSYLEG réagissant à cet emballement médiatique ainsi qu'un nouvel envoi d'une plaquette de SOCAPSYLEG consacrée au suivi socio-judiciaire et à l'injonction de soin. »

Il faut aussi prendre un peu de recul temporel. Le 2 décembre 1996 déjà, le docteur Bernard Cordier, praticien et spécialiste de la question, rappelait les possibilités de traitement thérapeutique de la pédophilie lors de son audition au Sénat, à l'occasion de la journée nationale des droits de l'enfant :

« Sur le plan des psychothérapies, nous savons que le seul fait d'être suivi, de rencontrer quelqu'un avec qui parler de ce problème est un bien ; un numéro de téléphone suffit parfois. Mais il nous faut inventer de nouvelles formes de psychothérapies adaptées à la diversité des cas.

En ce qui concerne les traitements physiques, il faut se rappeler que les castrations chirurgicales ont commencé à la fin du 19è siècle et que les Eunuques existaient déjà dans l'Antiquité. On connaît les résultats de cette castration : les Eunuques n'étaient pas aussi impuissants qu'on le pensait.

Il y a eu des castrations physiques en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe du Nord. En Allemagne, sur 105 castrations "volontaires" entre 1960 et 1990, il y a eu 4 récidives. Après une castration chimique, il n'y a pas de garantie car un tiers de ces personnes avaient encore des envies sexuelles.
En ce moment, dans le contexte émotionnel que nous rencontrons on reparle de castration physique et certains détenus nous la demandent. Ce n'est pas efficace à 100 % et rien n'empêche un sujet qui a négocié ainsi sa sortie de se procurer de la testostérone qui annihile les effets de la castration.
En ce qui concerne l'usage de médicaments, les sédatifs ont des effets sur la libido mais le sujet est dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle. Ce n'est donc pas valable.
Les anti-hormonaux : ils sont utiles. Nous avons fait des études qui le prouvent mais ce n'est pas non plus une garantie absolue. »

Lire la suite et l'intégralité de l'intervention du docteur Cordier sur le site du sénat.

En 2007, un projet de loi construit en réaction à une affaire de pédophilie incitait les docteurs Cordier et Lamothe à revenir sur ce sujet complexe, en insistant notamment sur la nécessité du consentement au soin. L'échange à ce sujet avec le docteur bernard Debré sur le site de l'association des psychologues freudiens n'est hélas plus disponible mais on peut consulter encore le rapport sur l'audition publique sur les auteurs de violences sexuelles (chapitre 4. Prise en charge)

Il fut un temps comme le rappelait le docteur Cordier - pas si lointain : un siècle - on l'on discutait de l'opportunité d'une « loi nouvelle relative à la peine de l'émasculation ». Sur les arguments développés en faveur de cette castration physique et « prophylactique », on pourra lire un article du docteur Servier, publié en 1901 dans les Archives de l'anthropologie criminelle (accès direct au texte). La castration physique était considérée par ce médecin comme « un progrès humanitaire » venant en remplacement de la peine de mort : « Les sanguinaires ainsi mutilés deviendraient, d'une part des pacifiques, et d'autre part, la plus considérable, ils ne feraient certainement pas souche de petits sanguinaires. On pourrait les fréquenter, sinon avec sympathie, au moins avec tranquillité. » (Voir également, dans le même volume, une brève note de P. Nacke, (accès direct au texte) lisible en ligne sur le site Criminocorpus).

Pour toute information complémentaire et fiable sur le sujet, voir le site de l'ARTAAS et le communiqué d'octobre 2009 intitulé "L'alliance plutôt que la stigmatisation" (Lire ce communiqué au format PDF)

Source de l'illustration : Goya, Los Desastres de la guerra, 1810–1820, planche 33 : Qué hay que hacer más (Que peut-on faire de plus ?). [commons.wikimedia.org]

 

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