Dès l'invention de la photographie, « la police en comprit la portée » (Charlie Najman, Nicolas Tourlière, La police des images, Paris, Encre, 1980, p. 5). Des daguerrotypes furent réalisés dans les années 40 lors de certaines arrestations en Belgique, en Angleterre et à Paris. L'idée d'une application systématique de la photographie aux détenus apparaît dès le Second Empire. Inspecteur général des prisons, Moreau-Christophe profite au début des années 1850 de sa place à la direction de la maison centrale d'Ensisheim pour réaliser des « photographies signalétiques » de détenus. Fort de cette expérience, il propose d'étendre dans un premier temps « cette marque nouvelle » aux condamnés dangereux mis en liberté sous surveillance dans les 17 maisons centrales de France, pour la généraliser ensuite à tous les libérés. Moreau-Christophe envisage de compléter ce « signalement photographique » par trois autres types d'informations : - le « signalement graphométrique », qui permettrait de mesurer et de décrire « ce que la lumière ne peut ni mesurer ni décrire » - le « signalement biographique », qui condensait à la fois des informations sur la vie privée du libéré et sur ses condamnations antérieures - le « signalement pénitentiaire », qui dressait un tableau du comportement du condamné lors de sa détention le tout devait être consigné dans un carnet individuel imprimé « qui ne laissait que des blancs faciles à remplir », de telle sorte, ajoute enthousiaste Ernest Lacan, rédacteur du journal La Lumière, que « ce système de signalement biométrophotographique enlacerait le libéré comme dans un quatruple réseau lequel ne lui permettrait de faire aucun mouvement en dehors de la ligne tracé, sans être aussitôt vu, reconnu, repris » .
Le projet de Moreau-Christophe formulait le rêve d'un portrait judiciaire extensif que l'anthropologie criminelle et la criminologie tenteront bientôt de mettre en œuvre.