cours de phrénologie Gall et Spurzheim Paris France

Cours public de phrénologie

Première séance du cours public de phrénologie du docteur Gall à Paris (1808)

Discours prononcé par le docteur Gall sur la phrénologie

 

Ce texte est la reproduction du Discours d'ouverture lu par M. le docteur Gall à la première séance de son cours public sur la physiologie du cerveau, le 15 janvier 1808. Le docteur y expose les grands principes de sa physiologie du cerveau, plus connue sous le nom de phrénologie.

Il fut publié à Paris en 1808 chez Firmin Didot, Lefort, F. Schoell et les Marchands de nouveautés.

 

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Dans tous les temps, l'Histoire Naturelle de l'espèce humaine a été la science la plus intéressante pour l'homme, et a fixé les méditations des meilleurs esprits. Mais, tant que cette branche importante n'est pas à peu près complète, il ne paraît point possible de donner une direction sûre à l'éducation, ni une impulsion convenable aux différentes passions, pour en faire les instruments du bonheur particulier de l'individu et du bien général de la société ; il est également presque impossible de fixer les institutions de manière qu'elles ne soient pas plus ou moins en opposition avec les besoins naturels et la destination de l'homme.

On doit, par ces motifs, accorder quelque encouragement et quelque indulgence aux efforts de ceux qui appliquent leurs recherches à des études si intimement liées aux plus grands et aux plus chers intérêts de l'humanité.

L'observateur sévère et circonspect ne peut se dissimuler les difficultés et les obstacles qui se rencontrent et se multiplient à chaque pas dans cette route épineuse.

Une véritable psychologie des animaux, une connaissance complète et approfondie de toutes leurs parties et de leurs facultés offrent encore, dans le globe intellectuel, de véritables régions inconnues à découvrir, ou des terres incultes et stériles, qui ont besoin d'être exploitées par des mains habiles et laborieuses. Nous distinguons et nous distribuons les races, les espèces, les classes des animaux, d'après une étude encore imparfaite des différentes parties de leur organisation. Mais leurs différents instincts, leur industrie, leurs facultés intellectuelles, leurs penchants, leurs mœurs n'ont pas toujours éveillé et excité, loin d'avoir fixé notre attention.

Les animaux ont cependant, pour la plupart, des caractères constants, tranchants et prononcés, produits naturels de leur organisation, qui détermine les dispositions primitives et spéciales observées chez eux.

A peu de modifications près, les individus de la même espèce, dans les différentes générations des animaux, se ressemblent dans tous les lieux et dans tous les temps. Cette organisation semblable, et, pour ainsi dire, héréditaire, est le résultat de lois et de combinaisons beaucoup plus simples que celles qui appartiennent à l'homme, dont les animaux ne sont que des fragments imparfaits.

Si j'arrive maintenant à l'étude de l'homme lui-même, dont l'organisation est prodigieusement compliquée, et dont les variétés générales et individuelles sont infinies, je ne vois qu'un petit nombre de philosophes qui soient attachés à l'analyse de l'homme intellectuel. Mais ceux-ci ont trop souvent négligé les influences des causes physiques. En même temps, la plupart des philosophes et des métaphysiciens se sont égarés dans des abstractions et dans des théories qui les éloignaient de la nature. De leur côté, les physiologistes, décomposant l'organisation physique, et trop circonscrits dans leur sphère, n'ont pas su toujours s'élever jusqu'aux forces réelles du monde intellectuel, et à des considérations supérieures qui devaient à la fois descendre à la dernière analyse et remonter à la plus grande généralité. Le moraliste et le législateur, observant l'homme dans sa vie sociale, et sans remonter toujours aux premières sources des actions morales, se sont contentés d'en saisir et d'en modifier les causes accidentelles et secondaires.

A moins que les lumières de ces trois études différentes, psychologiques et physiques, philosophiques et morales, ne soient réunies et coordonnées pour se prêter un mutuel secours et pour se rapporter des causes communes et des effets analogues à une seule et même loi, elles n'offriront pas un ensemble complet, une véritable science de l'homme.

Cependant, il faut convenir qu'il n'y a d'autre moyen naturel d'arriver à la connaissance approfondie de l'homme individu et de l'espèce, que l'observation exacte des phénomènes qui s'offrent à nous par l'intermédiaire de ses formes organiques, ou de son organisation.

Abandonnons aux spéculations métaphysiques les recherches sur lesquelles nos sens n'ont aucune prise, et renfermons-nous dans le cercle des lois de l'organisation, dont l'ensemble, les détails et les modifications déterminent en grande partie, et modifient notre entendement et notre volonté. Tel est le domaine de la physiologie du cerveau, qui est la science dont je dois offrir les éléments, et qu'on peut appeler aussi la doctrine des qualités générales des animaux, et en particulier des qualités merveilleuses, par lesquelles notre espèce l'emporte sur tous les êtres vivants.

Mais, qu'il est difficile de remplir cette tâche, et combien cette science, même ainsi précisée, est encore à la fois étendue et compliquée ! Qui pourra comprendre et définir l'homme, bizarre assemblage des plus étranges contrastes, véritable chaos de contradictions, sorte d'énigme à beaucoup d'égards inextricable ? Quel fil saisir pour guider ses pas dans cet obscur et tortueux labyrinthe ? Comment se frayer un chemin pour arriver à une connaissance exacte, détaillée et complète de cet être en même temps si intelligent, et si borné, doué de raison et sujet à de si inconvenantes folies, si grand et si petit, si digne enfin d'admiration et de pitié, prodige étonnant de dignité et de bassesse, roi et atome dans cet univers où il rampe et où il règne ?

Dans les individus et dans les états, quelle singulière contradiction de maximes, adoptées comme règles, soit pour la vie publique, soit pour la vie privée ! Quelle mobilité, quelle variété de sentiments et de pensées ! L'homme méprise aujourd'hui ce qu'il adorait hier : là il s'abaisse jusqu'au culte d'un oignon ou d'un taureau ; ici son intelligence s'élève jusqu'à la conception d'un être indépendant et éternel : là sa religion lui interdit la mort d'un insecte ; ici elle lui commande, pour honorer le ciel, de sacrifier ses enfants : là il subit une mort généreuse pour son ennemi ; ici sa piété filiale le rend barbare au point d'immoler l'auteur de ses jours : là il se propose comme récompense éternelle et félicité suprême un séjour peuplé d'une infinité de femmes, belles et toujours jeunes ; ici, pour gagner le ciel, il trahit la nature et son impérieux besoin, et se voue à une continence absolue : là il saisit à peine les rapports des nombres ; ici son esprit audacieux, et bien affermi dans sa marche et dans ses calculs, mesure les espaces et la marche des mondes.

Indépendamment de ces différences générales, sous les rapports du développement intellectuel et moral, dans toutes les parties du globe, combien de différences particulières dans les individus isolés, et même dans un seul individu, considéré séparément ! Quelle distance de tel homme à lui-même dans un position calme ou passionnée, dans la jeunesse et dans l'âge mûr ou dans la vieillesse, dans l'état de santé ou de maladie, dans les langes de l'ignorance, ou dans le magnifique édifice des sciences et de la civilisation !

Comment débrouiller cet être toujours en contradiction avec lui-même ? Comment définir d'une manière fixe et précise la nature de l'homme, résultat compliqué de son moral et de son physique, de l'action et de la réaction de son organisation matérielle et de son intelligence ? Comment faire la part exacte de ces deux puissances, et leur assigner des limites dans leurs domaines respectifs ? Comment déterminer leurs droits réciproques et distincts, et les divers degrés d'influence qu'elles exercent l'une sur l'autre, alternativement et mutuellement, dans cette vie ? Comment saisir ces conditions matérielles du principe immatériel, qui se manifeste par son action, et semble se dérober à nos recherches : (image symbolique de l'auteur suprême des choses, dont on suppose qu'il peut être une émanation) ? Comment pénétrer des mystères couverts de voiles épais et de profondes ténèbres ? Comment enfin découvrir l'origine ou la source, le développement et la croissance, ou la marche de nos dispositions premières, de nos penchants, de nos talents, de nos sciences et de nos arts, de nos crimes et de nos vertus, de nos maladies morales et des modifications de notre être, variées à l'infini, depuis l'aliénation partielle, l'idiotisme complet le suicide, jusqu'au génie sublime de Bacon, de Newton, et de Voltaire ? Comment calculer les diverses influences de l'éducation, des peines et des récompenses, des climats, du sexe et de l'âge, de la nourriture, des gouvernements, des religions ? Comment démontrer, d'un côté, l'assujettissement de l'homme aux lois de la nature et le présenter, sous ce rapport, semblable aux animaux avec lesquels il a tant d'analogie et doit toujours être comparé ; comment, d'un autre côté, faire ressortir et mettre dans tout son jour sa dignité, sa supériorité, sa noble et immortelle destination, et lui assigner, en un mot, dans la création la véritable place que l'auteur des choses paraît avoir marquée ?

J'ai indiqué les trois parties qui doivent composer le véritable corps de la science de l'homme ; j'ai fait entrevoir à la fois les difficultés, les obstacles et aussi les objets nécessaires des recherches à cette belle et utile science. Je suis loin néanmoins de pouvoir satisfaire, à beaucoup près, cette curiosité insatiable de l'esprit humain pour tout ce qui tient à sa propre nature. Nos désirs sont vastes et infinis ; notre sphère est étroite et bornée. Je sens en moi les deux caractères de l'humanité, le besoin d'agrandir nos connaissances et notre être, la faiblesse et l'impuissance, qui sont les conditions de notre existence.

J'exposerai donc seulement les résultats de trente années de recherches, d'observations, d'expériences, toujours, autant que je l'ai pu, basées sur des faits et sur la nature. J'offrirai les produits de mes informations, mes opinions, et souvent mes simples doutes. Je les soumettrai à la fois aux amis de la science et de l'humanité ; et je m'estime heureux d'être arrivé à l'époque où je peux faire entendre ma voix dans une grande capitale, populeuse et éclairée, véritable centre de la civilisation et des lumières, qu'un grand souverain, doué lui-même d'un vaste génie, apprécie, protège et encourage, et où des savants distingués ont ouvert plusieurs routes nouvelles qui se rencontrent souvent avec celle que je me suis tracée, et d'où résultent un commerce et une communication plus faciles entre les sciences qui doivent aboutir à un seul et même but.

Qu'il me soit permis maintenant de dire encore quelques mots, dans cette introduction, sur les difficultés particulières qui dérivent de la nature de ma doctrine, à laquelle se rattachent tant de résultats nouveaux et hardis, qui même paraissent souvent hasardés aux yeux de ceux qui ne peuvent asseoir leur conviction sur les mêmes faits qui m'ont servi de bases, de points d'appui, et qui ont été les degrés successifs de l'échelle que j'ai parcourue. Quelques-uns de ces résultats seront d'abord en opposition avec les opinions et les habitudes reçues ; ils pourront effaroucher des hommes attachés aux anciennes doctrines dans l'anatomie, dans la physiologie et dans la philosophie. Mais, n'en a-t-il pas été de même de toutes les découvertes, de chacun des grands pas progressifs que les sciences ont faits dans la longue succession des siècles ?

Si on ajoute les mutilations faites à ma doctrine, souvent tronquée par ceux même qui ont l'intention de la présenter fidèlement ; les fausses interprétations que lui donnent l'inadvertance et la précipitation dans les jugements, l'ignorance, et, dans beaucoup de circonstances, l'hypocrisie et la mauvaise foi ; enfin, notre attachement naturel aux premières notions dont ont a bercé notre enfance et qui ont vieilli avec nous, la répugnance invincible de beaucoup d'hommes, même estimables et instruits, pour toutes espèces d'innovations dans la sphère des connaissances reçues, des opinions adoptées et régnantes, et dans le monde intellectuel : on concevra facilement pourquoi l'anatomie et la physiologie du cerveau, surtout avant d'être généralement répandues et vérifiées, éprouvent tant d'opposition, et pourquoi, les découvertes n'arrivant qu'après un long espace de temps à leur point de maturité, leur utilité est souvent ajournée et reculée dans un lointain avenir.

Sachons faire de ces obstacles mêmes des instruments de succès ; puisons dans cet esprit d'opposition la nécessité, précieuse et salutaire pour nous, d'appuyer de nouvelles vérités, que nous voulons développer et approfondir, sur des preuves d'autant plus nombreuses, concluantes et incontestables, que ces vérités sont plus importantes et disputées avec plus d'animosité. N'exigeons de nos adversaires, pour leur honneur et pour le succès de la science, que de la bonne foi, de la probité dans l'exposition des faits et des objections, de la pureté dans les intentions, dirigées vers l'amour du bien général et de la vérité.

Les résultats, loin d'être effrayants et de conduire à aucune conséquence dangereuse, comme nous aurons l'occasion et le soin de le démontrer jusqu'à l'évidence, nous rapprocheront insensiblement du but indiqué, de la science la plus difficile, la plus compliquée, la plus utile, celle de l'homme, qui nous concerne tous, et qui se lie à toutes les autres sciences et à tous les intérêts individuels et publics.

 

Histoire de la phrénologie Marc Renneville

Mais au fait, qu'est-ce que la phrénologie ?

Voir la page du livre Le langage des crânes. Histoire de la phrénologie