tatouage de Rambert Alexandre Lacassagne collection Philippe Zoummeroff
Coll. P. Zoummeroff

Alexandre Lacassagne (1843-1924)

Lyon, capitale de la criminologie française

portrait alexandre lacassagne criminologue expert
De 1885 à 1914, la ville de Lyon a été la capitale de la criminologie française. Le docteur Alexandre Lacassagne (1843-1924), professeur titulaire de la chaire de médecine légale, s’impose, avec ses écrits et la direction, de 1886 à 1914, des Archives d’anthropologie criminelle, comme la figure dominante de cette période. 

Pour Lacassagne, le crime n’est pas l’expression d’un faculté innée mais la conséquence d’une interaction entre l’individu et son milieu de vie : le criminel est "microbe", le milieu social est "bouillon de culture". La société est une agrégation d'individus dont les systèmes nerveux n’ont pas évolués de la même manière. De même que l’on peut distinguer trois niveau en chaque cerveau, de même, on peut distinguer en chaque société trois "couches sociales " frontales, pariétales et occipitales.

Ces trois couches socio-phrénologiques produisent trois grandes catégories de criminels: les "criminels de pensée" (frontaux), les "criminels d'actes" (pariétaux) et les "criminels de sentiments ou d'instincts" (occipitaux). Les "criminels aliénés" sont fréquents dans la première catégorie. Dans la seconde, on trouve surtout des criminels par impulsions ou occasions, et c'est chez eux que les châtiments et les peines pouvaient avoir un effet. Dans la troisième couche ou dominent les occipitaux, on trouve les "véritables criminels", "insociables". Pour Lacassagne, la philosophie pénale doit tenir des données de l’anthropologie criminelle. La répression entre en crise lorsqu’elle est trop douce, car elle ne permet plus de défendre la société contre les criminels incorrigibles. Pour lutter efficacement contre la criminalité, il faut prendre des mesures de sûreté et appliquer un droit pénal dont les peines puissent être dissuasives. Dans les cas les plus extrêmes, la peine peut aussi avoir une fonction d’élimination de l’agent asociable.

Cette théorie inspirée de la phrénologie de Gall n’a guère eu d’écho en son temps. Lacassagne a en revanche rempli une fonction de médecin expert très importante dans les grandes affaires de son époque. Lacassagne a surtout joué un rôle fédérateur dans l’opposition à la théorie du criminel-né de Lombroso. La publication annuelle des Archives d’anthropologie criminelle et la direction d’un grand nombre d’étudiants en médecine lui ont permis de créer une école du “ milieu social ” qui a largement dominé le champ de l’anthropologie criminelle française. Sa lecture de la criminalité se plaçait toutefois à la charnière de deux façons d'appréhender la criminalité, radicalement différentes. La première, issue d'un courant qui trouve sa source dans la médecine légale, la psychiatrie et l'anthropologie dans la première moitié du XIXe siècle, fonde ce que l'on appelle de nos jours l'approche "bio-psychologique", qui cherche essentiellement à établir les différences de constitution entre la population honnête et celle des infracteurs. La seconde, forgée par Durkheim dans les années 90, ancrait la criminologie en rupture avec tout apport basé sur la biologie de l'individu. A mi-chemin entre médecine et sociologie, la théorie socio-phrénologique de Lacassagne fut l’une des dernières expressions du moment naturaliste des sciences de l’homme. C'est à ce titre qu'elle doit garder une place dans l'histoire de ces deux disciplines et que l'on peut affirmer que Lacassagne fut, avec Lombroso, le co-créateur de l'anthropologie criminelle
Pour en savoir plus à ce sujet, voir La criminologie perdue d'Alexandre Lacassagne.

Lacassagne acquis également sa renommée par sa participation à des affaires criminelles en qualité d'expert judiciaire. Il fut notamment appelé dans l'affaire de la malle à Gouffé, dans l'assassinat du président Sadi Carnot et dans l'affaire de Vacher l'éventreur

Sa revue de criminologie, Les archives de l'anthropologie criminelle, est consultable dans son intégralité dans la bibliothèque du musée Criminocorpus. Elle a été co-dirigée, à partir de 1893, par son ami magistrat Gabriel Tarde.

Plusieurs historiens (Martine Kaluszynski, Philippe Artières, Amos Frappa...) ont publié des travaux sur Lacassagne (on peut en trouver les références dans la Bibliographie d'histoire de la justice)

 

Alexandre Lacassagne criminologie et politique pénale